Le webmaster du site habitant Dijon et étant un des membres fondateurs et vice-présidents de la Société Astronomique de Bourgogne, société d'astronomie amateur, il ne pouvait manquer de faire référence aux activités astronomiques dans sa ville natale. Dijon, par exemple, au siècle des Lumières, posséda l'un des observatoires "professionnels" réputés de l'époque. Cette évocation, finalement, donne une lueur sur l'astronomie depuis le Moyen Age (note: ce tutoriel n'est pas traduit en anglais et ne se trouve pas dans la partie du site en langue anglaise)
Le premier document qu'on ait sur l'astronomie dijonnaise est le "Kalendarium", au Xème siècle, du moine Wicfridus, bénédictin de l'abbaye St-Bénigne; il y réunissait un ensemble de données astronomiques (position du Soleil, système de Ptolémée, constellations, révolutions des planètes, contrées de la Terre, etc.) Puis, comme souvent au Moyen Age, l'astronomie tourna à l'astrologie. Un Pierre Turrel, inspirateur de Nostradamus, par exemple, recteur des écoles de Dijon au XVème siècle, prédit la fin du monde. Les ducs Valois eurent un grand nombre d'"astronomiens" de valeur dont certains combattirent l'astrologie et furent des créateurs d'horloges, de représentations mécaniques du système solaire, de mappemondes, astrolabes, almanachs, traités, ou furent médecins des ducs. Simon de Pharès écrivit sur les astrologues du Moyen Age, Laurens Pignon écrivit, en 1411, un traité contre les "devineurs" dédié à Jean sans Peur. Jean de Wesalia (ou Vesale), fut l'auteur d'almanachs pour Philippe le Bon (1432) et de prédictions sur la comète de 1472 pour Charles le Téméraire. Angelo (ou Ange) Cato, astrologue, transfuge du Duc de Bourgogne, travailla ensuite pour Louis XI et prédit la mort de Charles le Téméraire à la bataille de Nancy. Ce n'est qu'avec le XVIIème siècle qu'on voit apparaître de véritables scientifiques à Dijon: Jacques de Billy (1602-1679), jésuite, professeur au Collège des Godrans, auteur de plusieurs ouvrages d'astronomie (tables d'éclipses, traité des calculs astronomiques, traité du mouvement des comètes); puis le père Anthelme, de la Chartreuse de Champmol étudie la comète de 1680, donne des observations sur les étoiles variables et un catalogue de 1806 étoiles. Le XVIIIème siècle, lui, sera le Siècle des Lumières en France: dans toutes les capitales provinciales du royaume, les élites y contribuent, entre autres, par les académies, intenses foyers d'observation scientifique, qui aménagent des laboratoires et des observatoires, des bibliothèques. Dijon en fait partie et, comme ailleurs, les personnes cultivées d'alors se passionnent pour la physique expérimentale et l'astronomie
Le premier observatoire de Dijon date de 1739, de l'abbé Jean Fabarel (1707-1793), grand chantre de la cathédrale de Dijon, personnalité incontournable de l'astronomie à Dijon. L'abbé Fabarel est lié aussi à la construction du célèbre château de Montmuzard, décidée par Fyot de la Marche, Premier Président du Parlement de Bourgogne, sur les hauteurs est de Dijon. Zélé d'astronomie, partisan de la rendre autonome de l'astrologie, il rêvait de communiquer sa passion pour celle-ci via des observations collectives et des cours publics (comme ce qui se pratiquait déjà dans les autres observatoires du royaume), d'où l'idée d'un observatoire. Membre honoraire de l'Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Dijon en 1740, il avait eu l'appui du prince de Condé, duc et gouverneur de la Bourgogne, qui lui avait concédé l'usage des trois étages supérieurs (sur les 5 que comportait la tour) et la terrasse de la tour de Philippe-le-Bon (ou "grande tour carrée du Logis du Roy", ancienne tour de l'époque romaine modernisée en 1454 par le duc de Bourgogne Philippe le Bon; le fait que la tour ait été dotée d'une terrasse pourrait laisser penser que, dès cette époque, elle aurait été conçue pour l'observation astronomique). Le prince avait conçu avec l'abbé d'y établir un observatoire doté des meilleurs instruments. La tour était, sans cette nouvelle affectation, menacée de décrépitude. Mais la mort du prince, en 1740, mit un terme au projet et l'abbé Fabarel dut se contenter d'instruments modestes acquis de ses propres deniers: une lunette médiocre et une pendule à secondes; il réunissait sur la terrasse les personnes intéressées par les observations qu'il y faisait. Quelques années plus tard, sur le sol de la salle la plus élevée, on traça une méridienne "horizontale", qui donne le midi solaire vrai ou permet de suivre le mouvement des saisons
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Dans le cadre de dissensions au sein de l'Académie de Dijon lors des débuts officiels de celle-ci, l'abbé Fabarel s'éloigna ensuite d'elle et ne participa plus directement à ses travaux. Il poursuivit néanmoins ses activités publiques d'astronomes dans la tour du Logis du Roy. En 1765, cependant, Fabarel, se rapprochant de l'Académie après 35 ans de brouille, "démissionne" des installations qui lui avaient été accordées: l'Académie, dans sa séance du 22 novembre de la même année, prend connaissance d'une lettre de l'abbé par laquelle il lui cède la jouissance de la tour et des dépendances aux fins d'observations astronomiques en demandant au gouverneur de transférer ces droits; il s'agira de faire une "correspondance astronomique" au centre du royaume, dans ce lieu le plus convenable pour y établir un observatoire. L'Académie, le 29 novembre, écrivit au Prince de Condé, son protecteur, pour qu'il la gratifie de la jouissance de la tour; l'astronomie, depuis longtemps, aurait aussi fait l'objet de ses travaux, eut-elle disposé d'un lieu propre. Le Prince de Condé répondit favorablement le 12 décembre. Les brouilles passées oubliées, Fabarel redevint proche de l'Académie à laquelle il fit de nombreux cadeaux pour enrichir les collections d'histoire naturelle (1775, 1776) et, en décembre 1776, il reprit officiellement sa place à l'Académie et y oeuvra constamment pour l'Observatoire de Dijon jusqu'à sa mort, 17 ans plus tard. Il présida des séances. L'abbé Fabarel, se fondant sur les moyens scientifiques de l'Académie, envisagea d'ajouter aux cours publics gratuits de celle-ci un cours d'astronomie et la création officielle d'un observatoire. Il entretint des correspondances avec beaucoup de personnages importants: Jean Lepaute, horloger, César Cassini, directeur de l'Observatoire de Paris, Edme Jeaurat, astronome parisien et, surtout, Jérôme de Lalande (1732-1807), membre correspondant puis honoraire de l'Académie de Dijon en 1763 et 1766, respectivement. Cependant, pour Fabarel, les crédits tardaient pour la réfection de la tour, ce qui empêchait l'avancée des projets et, une fois de plus, ce fut l'abbé qui donna de son patrimoine, de son crédit et de son temps pour effectuer les réparations ou faire construire de bons instruments. Il fallut attendre 1777-1778 pour que, sur un rapport de Buffon et Lalande, l'Académie délibérât enfin sur la création d'un cours d'astronomie, l'acquisition d'instruments et les réparations de la tour, les fonds venant du roi (10000 livres). L'abbé Fabarel avait été appuyé par le docteur Hugues Maret, qui faisait des observations régulières en météorologie. Entre-temps, les Etats de Bourgogne en la personne de M. de Montigny, leur trésorier, avaient fait don à l'Académie d'une lunette de Dollond, constructeur anglais célèbre; en 1778, l'Académie chargea Roger, professeur, d'adapter sur la lunette un micromètre acheté à Paris. Finalement, en décembre 1783, les Etats prirent une délibération qui est la véritable charte de fondation de l'Observatoire de Dijon -l'Académie ayant obtenu confirmation de la concession de la tour carrée du Prince de Condé: 1800 livres sont accordées pour la bonne marche de l'Observatoire de la tour ainsi que 1000 livres pour un cours public et gratuit d'astronomie; l'abbé Fabarel en est le directeur, l'abbé Claude-Philippe Bertrand (vicaire près de Semur-an-Auxois, lui aussi intéressé par l'astronomie, encouragé par Fabarel) est le professeur chargé du cours et des instruments et un certain Jean Garreau est l'aide de l'observatoire; chaque année, l'Observatoire devra rédiger un mémoire pour l'Académie sur ses travaux. Cassini et Jeaurat conseillèrent l'achat des autres instruments: une lunette méridienne, une pendule sidérale à secondes, un quart de cercle, un cercle répétiteur azimutal, etc. "Observatoire de Dijon", "Observatoire de l'Académie de Dijon", les textes semblent rester flous mais une communication de Lalande en 1785 montre bien que les Etats ont procuré l'observatoire pour que l'Académie "ne manquât aucun secours" pour la culture des sciences et l'abbé et que l'abbé Fabarel a fait de l'observatoire, par son zèle et son activité, un modèle
->La méridienne horizontale de l'abbé Fabarel
Une méridienne est un système de marque horizontale ou verticale qui indique, chaque jour, via un rai de lumière ou un style, le midi solaire vrai du lieu, le moment où le Soleil traverse le méridien Nord-Sud. On ne doit pas confondre méridienne et cadran solaire, lequel fonctionne, en principe toute la journée. Au midi solaire vrai, l'image du Soleil se forme sur la règle de la méridienne. Une méridienne renseigne aussi sur le comportement du Soleil au cours de l'année: au solstice d'été, l'image du Soleil est au plus près du Sud ou du bas de la règle; au solstice d'hiver, elle en est le plus éloignée et, aux équinoxes, la position est intermédiaire. De par ces deux fonctions, une méridienne est à la fois une horloge (midi vrai; accessible aux populations) et un calendrier (saisons). La méridienne, comme toute méridienne, permettait aussi de déterminer l'obliquité de l'axe de la Terre -l'inclinaison de l'axe des pôles ou l'angle de l'axe des pôles terrestres avec le plan de l'écliptique: la différence des hauteurs du Soleil à midi aux deux solstices donne le double de l'obliquité. En plus de la méridienne horizontale de la salle supérieur de la tour Philippe-le-Bon, Dijon compte deux méridiennes verticales: celle de la cour d'honneur du Palais des Ducs (restaurée en 1997 par la Société Astronomique de Bourgogne sollicitée par la Ville de Dijon) et celle de la rue de la Liberté (non restaurée), près de l'angle de la rue de la Porte aux Lions. La méridienne de l'Observatoire de Dijon, au dernier étage de la tour Philippe-le-Bon, réalisée par l'abbé Fabarel vers 1750, consiste en une règle de laiton de plus de 8m de longueur sertie dans une semelle de marbre blanc. La lumière solaire passe par un orifice percé -un oeilleton- dans le vitrail du mur sud de la salle et donne, le long de la règle, une image elliptique du Soleil (principe de la "camera obscura"). 3 des images du Soleil sont figurées au long de la règle, plus (hiver) ou moins (équinoxes et été) elliptiques. L'ellipse du Soleil au solstice d'hiver mesure 28 par 9cm mais se réduit jusqu'au solstice d'été -3,7 par 3,4cm; la taille, aux équinoxes, est de 6,6 par 4,4cm. Du fait de sa grande taille donc de sa plus grande précision, la méridienne de Dijon était un véritable outil astronomique: on pouvait aussi orienter, par rapport à elle, une "lunette méridienne", visant le passage des astres (planètes, étoiles) au méridien du lieu (une lunette méridienne ne permet que de l'astronomie de position en repérant la hauteur des astres et planètes au moment de leur passage au méridien du lieu à une heure déterminée). Des méridiennes horizontales encore plus grandes existent, telle celle de l'église St-Sulpice à Paris, 8 fois plus grande que celle de Dijon. Elle fut conçue par l'horloger Sully pour la connaissance de l'heure et retracée par l'astronome Charles Le Monnier pour vérifier la décroissance de l'obliquité; l'image qu'elle donne du Soleil au solstice d'hiver mesure 54 par 35cm); elle permit à Le Monnier de constater la variation de l'inclinaison de l'axe des pôles de la Terre, qui se fait sur un cycle de 41000 ans soit 47" par siècle. Les observations et les calculs de Le Monnier entre 1743 et 1791 ainsi que ceux de Lalande sur cette méridienne sont célèbres. La méridienne de St-Sulpice aurait aussi pu être l'oeuvre du curé Languet de Gergy, né à Dijon et à peu près contemporaine de celle de l'abbé Farabel. L'Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Dijon, récemment, visait à étudier la méridienne de Fabarel pour la vérifier et la réactiver par la pose d'un oeilleton adéquat
Commence d'apparaître alors, dans l'astronomie dijonnaise, la figure de Claude-Philippe Bertrand, originaire d'Autun -il y est né en 1757- qui, après des études de théologie à Paris, devint vicaire de la paroisse de Braux, près de Précy-sous-Thil. Il s'y occupait beaucoup, contre le goût de son curé, d'astronomie, sa passion. Encouragé par l'abbé Fabarel, il devint professeur, en 1782, de la chaire de physique du Collège des Godrans et l'abbé le fit recevoir membre associé de l'Académie de Dijon l'année suivante. Bertrand, au collège, créa un cabinet de physique et assura, en plus, un cours de physique expérimentale à succès. Devenu professeur du cours public de l'Observatoire, ami de Lalande (membre correspondant de l'Académie de Dijon en 1762 et membre honoraire en 1766), il travailla donc aussi à l'astronomie. En 1786, on lui doit des tables astronomiques pour Dijon ou les positions géographiques des villes de la province de Bourgogne. En 1787, l'abbé Bertrand participa, en liaison avec l'Observatoire Royal de Paris, à l'observation de l'éclipse de Soleil de cette année-là et, des nuages ayant masqué la fin de l'éclipse dans la capitale, on utilisa les observations faites depuis Dijon. Bertrand, persuadé que les sciences libéraient l'homme, participa aussi aux premiers vols de montgolfière faits à Dijon en 1784. Bertrand, par ailleurs, a défini le sinus et le cosinus dans l'Encyclopédie de d'Alembert. Bertrand avait développé un grand intérêt pour William Herschel, le grand astronome anglais, découvreur d'Uranus. Herschel fabriquait ses propres télescopes. Un baron hongrois, Franz von Zach, installé en Angleterre et amateur d'astronomie, partisan d'une collaboration internationale entre astronomes, envoya des détails à l'Académie dijonnaise sur les nouvelles découvertes faites par Herschel avec son télescope de 475mm d'ouverture, ce qui amena l'abbé Fabarel à prendre contact avec l'astronome anglais. Ce dernier devint membre honoraire de l'Académie de Dijon en 1786 et contribua à ses travaux par une abondance correspondance avec Bertrand. Des fonds débloqués par les Etats en 1785, Bertrand acquiert une lunette méridienne (dont Lalande fait l'éloge de l'emplacement) et une pendule sidérale
Fabarel aurait souhaité une grande lunette de 4 pieds (1,22m) mais comme il était très difficile de s'en procurer une, Jeaurat -devenu membre honoraire de l'Académie de Dijon- lui proposa ainsi qu'à Bertrand, malgré les inconvénients de cet instrument, d'acheter un télescope, que William Herschel accepta de fabriquer. D'un coût de 2774 livres, le télescope, de 160mm d'ouverture, arriva en août 1789. L'Observatoire de Dijon atteignait donc sa pleine puissance -il devenait l'observatoire le mieux équipé d'Europe et pouvait prétendre au même range que ceux de Paris, Montpellier ou St-Pétersbourg. Il fait partie des 11 plus grands observatoires d'Europe. En avril 1789, Bertrand avait acquis, de plus, une lunette achromatique de Ramsden; avec tous ces instruments, il put publier ses tables calculées avec l'abbé Forey et révisées par Lalande et Jeaurat. Bertrand contribuait aussi à la réflexion philosophique sur la société de son temps. Il acquit un rang européen: Cassini, de l'Observatoire royal, l'inscrivit sur la liste des savants à qui envoyer les résultats des observations faites à Paris. Si l'on peut faire un aparté sur les influences philosophiques exercées à Dijon, au siècle des Lumières, elles sont sans doute variables même si une forte présence anglaise -cohérente avec les liens avec Herschel- est notée à Dijon, comme à Paris, après 1750. Lalande, lui, franc-maçon, était membre honoraire de l'American Academy of Arts and Sciences américaine et membre de la Royal Swedish Academy of Sciences de Suède. L'Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres, fondée en 1725 par Hector-Bernard Pouffier, doyen du Parlement de Bourgogne, approuvée par les Princes de Condé, gouverneurs de Bourgogne et officiellement enregistrée en Parlement en juin 1740, couronna Jean-Jacques Rousseau pour le Discours sur les sciences et les arts. Les Etats de Bourgogne sont peut-être encore amis des Jésuites qu'ils ont aidé à fonder leur collège des Godrans au siècle précédent, en 1603
->Le télescope de Herschel
Le télescope de Herschel commandé à Herschel par l'Observatoire de Dijon vers 1785, était un télescope de Newton avec tube en bois octogonal, de 160mm d'ouverture, une longueur de 2,13m, avec miroir de métal (bronze) poli massif, chercheur à réticule en tube de fer blanc, miroir secondaire (en bronze aussi) et oculaire. Il resta en service à l'observatoire jusqu'à la disparition de celui-ci en 1940, lors de l'occupation allemande. Le télescope a alors suivi le sort incertain des autres instruments et équipements. Il s'agirait, désormais, d'une pièce historique
Mais, loin de l'astronomie dijonnaise, la Révolution française venait de commencer et l'abbé Bertrand, refusant la Constitution Civile du Clergé en 1791, on lui retira sa chaire et ses revenus. Il demanda alors à partir, recommandé par Lalande, comme astronome avec l'expédition d'Entrecasteaux à la recherche de celle de La Pérouse. Les relations tendues avec les officiers devenus alors très compétents, eux aussi, en observations astronomiques à usage de la navigation, peut-être peu habitué aux observations depuis le pont d'un navire, souffrant peut-être d'une fistule lacrymale, Bertrand est débarqué au Cap pour "incompétence et mauvais caractère". Surtout, il ne respectait pas les ordres royaux que les observations astronomiques fussent consignées, dans un registre sous forme des observations brutes et, dans un autre, des calculs et des résultats; il ne communiquait que ses résultats, invalidant ainsi tout le travail fait entre Brest et le Cap. Déjà, à Dijon, il n'avait communiqué même ses résultats d'observations barométriques qu'avec irrégularité. Peut-être aussi, l'abbé Bertrand faisait-il preuve de mauvais esprit et causait des dissensions, qui étaient peut-être de caractère politique, vu l'époque. Profitant de ce séjour imprévu, Bertrand entreprend l'ascension de la montagne de la Table, avec un baromètre et il fait une chute spectaculaire, mais sans gravité, en redescendant. Finalement, en avril 1792, des suites de sa chute ou de ses problèmes oculaires, il meurt. L'abbé Fabarel, lui, mourut à Dijon, à 86 ans, en janvier 1793. Ce sera Pierre Jacotot, membre associé de l'Académie dijonnaise depuis 1785, qui remplacera Bertrand au cours public d'astronomie. L'Académie de Dijon est dissoute l'année de la mort de Fabarel
La Révolution amena l'abandon de l'observatoire. Un inventaire, réalisé en 1791, mentionnera 34 éléments dont le télescope Herschel. L'Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres récupère ses biens en 1798 et son titre en 1802 (année où ses biens sont donnés à l'Université). Un feu d'artifice tiré pour fêter l'anniversaire de la prise de la Bastille avait provoqué, le 14 juillet 1800, un incendie qui détruisit les deux logettes en bois qui, sur la terrasse, contenaient les instruments de l'Observatoire; ceux-ci sont très endommagés. Pierre Jacotot, devenu directeur de l'Observatoire et professeur de physique à l'Ecole centrale de Dijon obtint du préfet les crédits nécessaires aux réparations (le télescope d'Herschel fut réparé en 1804 par Caroché). Joseph-Jérôme de Lalande peut venir y observer l'éclipse totale de Soleil du 28 août 1802. Les professeurs de l'Ecole centrale continuèrent de faire des observations et les crédits d'entretien furent assurés par le département mais, à la mort de Jacotot en 1821, personne n'est nommé au poste de directeur et l'observatoire est finalement abandonné en 1833
A partir de 1844 -le 2 mai, un nouveau directeur de l'Observatoire est enfin nommé, Alexis Perrey (1807-1882), aussi spécialiste des tremblements de terre- l'activité astronomique passe sous le contrôle de la mairie dijonnaise et l'observatoire propriété municipale. Perrey fait régulièrement des relevés météorologiques et publie plusieurs études astronomiques dont l'une sur l'orbite des planètes; en 1853, il décrit le cadran solaire analemmatique du Parc de la Colombière et deux de ses élèves devinrent astronomes professionnels: Gruey, directeur de l'observatoire de Besançon et Tisserand, directeur de l'Observatoire de Paris et président de la Société Astronomique de France entre 1893 et 1895. Les directeurs sucessifs de l'Observatoire de Dijon (dont Perrey, qui démissionnera en 1867) sont tous membres de l'Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Dijon. Camille Flammarion, le vulgarisateur de talent de l'astronomie, devient membre non résidant de l'Académie en 1867. M. de Coynard, qui meurt en 1880, n'est pas remplacé. Les locaux de la tour Philippe-le-Bon sont alors abandonnés et subissent des déprédations; les instruments, en danger, sont remis en 1885 à l'Université -un inventaire, en 1900, en énumère 35 dont 3 ont été identifiés et subsistent- université où un cours d'astronomie est institué, qui durera jusqu'en 1933
L'observatoire renaît vers 1919 sous l'impulsion du président de l'Académie, M. Baudot. L'histoire de l'observatoire est écrite par Gasser, météorologiste et surtout archéologue, quelque peu astronome et, via la Commission de météorologie et d'astronomie (qui est alors re-créée en 1921 avec l'aide de la municipalité de Dijon) il entreprend la restauration de l'observatoire, renaissance qui doit aussi à Camille Flammarion, le vulgarisateur de talent, fondateur de la Société Astronomique de France, car plusieurs adhérents de cette dernière deviennent membres de la commission d'astronomie dijonnaise: Bidault de l'Isle en devient président -il est un ami de Camille Flammarion-, Gasser en est le secrétaire, Debrand, beau-père de Bidault de L'Isle et créateur avec lui de l'Observatoire de la Guette près d'Avallon, Maurice Duvivier, bibliothécaire et conservateur-adjoint de l'Académie, etc. En 1923, Duvivier, avec Galmard, restaure le télescope de Herschel et les salles de la tour Philippe-le-Bon sont alors restaurées par Abel Forey, l'architecte des Monuments Historiques de la Côte d'Or, et l'Académie y installe des instruments repris de la Faculté des Sciences, dont le télescope d'Herschel alors que d'autres membres de la commission apportent leurs instruments personnels. Duvivier, en 1925-1926, dresse un inventaire des instruments, livres, meubles et objets se trouvant dans la salle supérieure de la tour de Philippe le Bon, tous biens qui deviennent la propriété de l'Académie. On décide alors d'acquérir un autre télescope et une lunette faciles à transporter; en 1925, on acquérera, par souscription des académiciens, une lunette Meilhat en cuivre de 100mm d'ouverture et un pied fixe est installé au sommet de la tour pour l'utiliser. Gasser mourant en 1925 -la même année que Flammarion (devenu en 1923 président d'honneur de la commission), l'activité se poursuit néanmoins et l'observatoire finit par retrouver une réelle importance scientifique. La municipalité Gaston Gérard soutint l'entreprise et concéda de nouveau les salles supérieures et la terrasse de la tour Philippe-le-Bon à l'Académie. L'observatoire est inauguré solennellement à l'occasion de la 3ème foire de Dijon. L'observatoire était doté d'une bibliothèque. Ainsi, en 1921, la commission achètera, par souscription des académiciens, une lunette à monture équatoriale Mailhat. L'observatoire restera en service jusqu'en 1940. Le Dr Cantenot, président de la commission de météorologie et d'astronomie, féru d'astronomie, fédère plus de 170 adhérents à Dijon et en Côte d'Or
->L'exposition lors de la 3ème Foire gastronomique de Dijon
Vers 1929, à l'occasion de la 3ème Foire gastronomique de Dijon, la salle de l'Observatoire de la tour Philippe le Bon, récemment réorganisé par l'Académie et la municipalité Gaston Gérard, attire le public et une exposition. La salle haute, rectangulaire, de plus de 9m de long avec des fenêtres hautes ouvertes aux 4 points cardinaux, montre alors l'ancien télescope d'Herschel, une bonne lunette Secretan, propriété personnelle du docteur Cantenot (grossissement de 218), qui donne sa note moderne à l'observatoire ou une lunette de fer blanc avec verrre de bésicle (une lunette d'amateur qui donne des résultats presqu'aussi bon que l'ancien télescope). Mr Gasser a offert plusieurs petits instruments, un cercle azimutal et il a apporté pour l'occasion les documents de sa collection d'histoire de l'astronomie; M. Darantière, imprimeur de Dijon, expose une sphère armillaire de sa collection. On a fixé au mur des cartes de la Lune, des planétaires, des cartes céleste, des tableaux de cosmographie, des graphiques, des planches extraites de divers ouvrages représentant les planètes, les éclipses, les nébuleuses, le Soleil et ses taches
Vient l'occupation allemande, en 1940. Une grande partie du matériel, dont le télescope de Herschel, disparaît, le télescope étant "récupéré" par les Allemands. L'opinion courante est que le matériel de l'observatoire dijonnais avait pu être réquisitionné par l'occupant allemand (les instruments ont disparu en 1940) mais il est également possible que le contenu du site ait été déménagé, peut-être mis en sécurité puis sans doute oublié ou dispersé à la Libération. Un inventaire publié en 1943 note la lunette Mailhat comme l'instrument le plus coûteux de l'observatoire, à 20 000 francs de l'époque. A cette époque, les instruments de l'observatoire de Dijon sont considérés comme "perdus" et la tour Philippe-le-Bon ne sert plus d'observatoire. Ne subsiste du passé de l'observatoire que la méridienne de Fabarel gravée dans le sol de la salle supérieure. Toute activité astronomique professionnelle cesse alors à Dijon
->La lunette équatoriale Meilhat
La lunette équatoriale Meilhat de 100mm d'ouverture fut acquise auprès de la maison R. Mailhat, "Instruments de précision, Opticien de l'Observatoire et de la Faculté des Sciences", Bd St-Jacques à Paris. Il s'agissait d'une lunette de cuivre et bronze vernis. Elle était pourvue d'une monture équatoriale allemande, avec vis calantes et plots de fontes. Le mouvement était contrôlé par des cercles divisés et un mouvement lent par vis tangente. 2 oculaires terrestres et 3 oculaires astronomiques l'accompagnaient ainsi que divers accessoires comme des bonnettes. Le tout dans un grand coffre. La monture se montait sur un pied en chêne à 3 branches avec vis calante, plots de fonte et niveau. Le tout pouvait se renfermer dans un grand coffre et on avait réalisé un autre pied, fixe, sur la terrasse de la tour Philippe-le-Bon. Le nom d'Achille Gros, Dijonnais adhérent à la Société Astronomique de France -la SAF- depuis 1911, conducteur général des Ponts et Chaussées, apparaît sur la lunette Mailhat mais on ne sait pas expliquer ce lien puisque l'acquisition de la lunette fut le fruit d'une souscription des académiciens dijonnais. Fut-il, par exemple, celui qui acquit la lunette au nom de l'Académie? En était-il le propriétaire originel? La lunette Mailhat a été retrouvée en octobre 2015 par la Société Astronomique de Bourgogne (voir plus bas) chez un brocanteur de Pézenas dans l'Hérault, ce qui irait dans le sens de l'hypothèse que l'équipement de l'observatoire aurait été mis en lieu sûr au moment de l'Occupation mais qu'il fut oublié ou dispersé à la Libération. Si l'hypothèse s'avérait définitivement exacte, on aurait ainsi l'espoir de retrouver d'autres éléments de l'observatoire, dont le télescope de Herschel
L'Académie de Dijon, dédommagée par des dommages de guerre, acquiert, après 1945, un lunette astronomique de 120mm qui, en 1948, est transférée, pour cause de moindre pollution lumineuse et d'accès plus aisé, dans un petit local de la terrasse de la Faculté des Sciences (cette lunette se trouve, de nos jours, à la Bibliothèque municipale). La commission d'astronomie reprend ses activités. En 1977, elle reçoit le renfort important de Pierre Lacroute, directeur de l'Observatoire de Strasbourg qui, à sa retraite, est revenu s'installer dans sa ville natale. La Commission d'astronomie de l'Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Dijon existe encore et perpétue son histoire de cours, d'observations, de travaux, exposés et de correspondances et échanges en France et à l'étranger
->L'inventaire de 1926 permet de savoir ce qui se trouvait à l'Observatoire avant l'Occupation allemande
Maurice Duvivier, alors membre associé de l'Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Dijon, fait, en 1943, une communication à l'Académie suite au fait que le secrétaire l'a informé que "les instruments, livres, meubles et objets divers appartenant à l'Académie et réunis dans la salle supérieure de la tour de Philippe le Bon" ne s'y trouvaient plus. Aussi, reprend-t'il l'inventaire qu'il avait réalisé en 1925-1926 en tant que bibliothécaire et conservateur-adjoint de la Commission d'astronomie et de météorologie (et il en fait l'évaluation en francs de l'époque). A la rubrique "Instruments", on trouve ainsi la lunette Mailhat (voir le descriptif ci-dessus repris de cet inventaire), une petite lunette de 45mm, "en cuivre poli et verni" avec deux oculaires et bonnette (avec son coffret en chêne ciré), qui s'utilise sur un pied photographique ainsi que: un cercle azimutal avec petite lunette, niveaux, boussole et pied (avec boîte et courroie), un sextant de modèle ancien, un "petit planétaire" avec son coffre -modèle réduit du système solaire". Enfin, le télescope Herschel de 160mm, "véritable pièce de musée", avec ses miroirs en bronze, que Duvivier avait restauré. Venait ensuite la rubrique "Bibliothèque" (1 page et demie) avec, à ce qu'il semble, une série d'ouvrages classiques pour l'époque tant en astronomie qu'en météorologie. On y constate que l'Observatoire de Dijon était en lien avec la Société Astronomique de France, Paris-Montsouris, Bordeaux, Lyon et Toulouse. Flammarion est bien représenté et un "Einstein et l'Univers", de Ch. Nordmann y figure aussi. Enfin, l'inventaire évoque le mobilier: une bibliothèque vitrée, une table, 12 chaises pliantes en bois et une lampe à pétrole ainsi que diverses cartes murales, photographies, plans et dessins. L'estimation totale, fondée sur la valeur commerciale de 1943, se monte à 56960 francs (soit aux alentours de 10000 euros actuels), la lunette Meilhat venant pour 20000 francs et le télescope de Herschel pour 15000; la bibliothèque représentait aux alentours de 2500 francs
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Entre-temps, en 1975, un autre évènement a contribué à la renaissance de l'astronomie à Dijon, mais une astronomie, cette fois, amateur, pratiquée comme un hobby: des amateurs, passionnés d'astronomie, créent, sous la forme d'une association loi de 1901, la Société Astronomique de Bourgogne (en abrégé "SAB"), qui par les observations et travaux de ses membres, ses conférences, exposés et expositions -dont certaines en collaboration avec la Commission de l'Académie- contribue à développer l'intérêt pour l'astronomie dans la région de Bourgogne. Un de ses membres, Jacques Richard, ensuite, sera, avec la SAB, à l'initiative de la création d'un nouvel observatoire: après un essai infructueux au Mont-Afrique, le site, l'"Observatoire des Hautes-Plates", sera installé, en accord avec la municipalité, sur les hauteurs du parc de la Combe-à-la-Serpent (commune de Corcelles-les-Monts); l'observatoire, avec coupole mobile, abrite un télescope de Newton sur pilier central; le gros-oeuvre du bâtiment aura été confié aux élèves du lycée des Marcs d'Or et les installations spécifiquement astronomiques aux membres de la SAB. L'observatoire sera déjà opérationnel lors du passage de la comète de Halley en septembre 1985 et il est officiellement inauguré le 30 novembre de la même année. L'ensemble est complété en 1991 par un double cadran solaire sur la face sud (un pour l'hiver, l'autre pour l'été) dont les devises sont: "Le temps scintille", "Le songe est savoir". Il est l'oeuvre de Pierre Causeret et Paul de Divonne. Cet observatoire permet l'observation du ciel par les astronomes amateurs appartenant à la SAB. Tout au long de l'année des séances d'observation publique sont, de plus, organisées sur le site et, chaque été au mois d'août, celui-ci accueille la "Nuit des Etoiles" soirées nationales d'observation amateur. La Société Astronomique de Bourgogne est entre-temps devenue association reconnue d'utilité publique et agréée Jeunesse et Sports. Ces éléments sont complétés par le Planétarium, un planétarium construit en 2002, par Jean-Louis Destison, l'architecte de la Ville de Dijon, sur un projet apparu en 1998; il se trouve à proximité du Muséum d'Histoire naturelle du Jardin de l'Arquebuse et il sert aussi de support à conférences pour la Société Astronomique de Bourgogne. La SAB, fin 2015, était en discussion avec la Ville de Dijon quant à un projet visant à recréer une salle d'astronomie sous la terrasse de la tour Philippe-le-Bon, laquelle permettrait d'évoquer l'histoire de l'observatoire professionnel de la tour
Ainsi, depuis 300 ans, il semble bien que ce soit l'Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Dijon, diverses personnalités remarquables et les administrations locales qui aient été le moteur de l'activité astronomique à Dijon ainsi que, à l'époque contemporaine, le mouvement de l'astronomie amateur
Les principales références concernant l'Observatoire de Dijon sont les suivantes:
Faugère R., Les antécédents historiques de la Commission d'Astronomie, Mémoires de l'Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon, t. 134, 1993-1994
Faugère R., Les trois méridiennes du Palais des Ducs et des Etats de Bourgogne, fascicule touristique de la Ville de Dijon, 2000
Duvivier M., Rapport sur le matériel et la bibliothèque de l'Observatoire de l'Académie à la Tour de Philippe le Bon, Mémoires de l'Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon, t. 109, 1943-1946